Au savoir-faire des maisons de Champagne succède l’obligation de faire-savoir. Et, quand il s’agit d’infuser paisiblement l’univers de sa marque, son esthétique et ses valeurs, les réseaux sociaux autorisent une communication plus subtile et plus libre qu’une publicité traditionnelle, souvent contrainte par la législation (comme c’est le cas en France, où la Loi Evin laisse peu de place à la créativité). C’est peut-être par habitude d’être bridés par cette réglementation contraignante qu’une majorité de marques est encore timide en ligne, ne sortant que rarement d’un classicisme évident et ne mettant que peu l’homme en exergue. Le numérique, plus libre, offre aux marques la possibilité de communiquer de façon plus personnelle et participative, et de créer des liens avec ses consommateurs rassemblés sous forme de communauté. Être « ami », « fan » ou encore « abonné » est un engagement gratuit, mais dont il est prouvé qu’il renforce vigoureusement la loyauté envers la marque et la propension de l’abonné à recommander un produit ou une expérience. Découvrez notre classement des 50 Champagnes qui comptent le plus sur le digital en 2019.
Une présence numérique sous la domination de LVMH
Si les grandes maisons de champagne ont mis du temps à s’impliquer en ligne, l’utilité de ces plateformes ne semble plus questionnable. En 2019, leur présence numérique prend de l’ampleur. Cette implication croissante entre 2018 et 2019 se manifeste sur certains réseaux plus que sur d’autres bien que le Top 10 du classement numérique global de 2018 oscille entre des scores similaires à ceux de 2019. L’année passée les scores des 10 premières marques variaient entre 78/100 et 94/100, alors que cette année ils varient entre 74,5/100 et 95/100. Les classements, qu’ils indiquent les scores généraux ou par réseau social, sont de nouveau cette année dominés par des marques du groupe LVMH. Dans le classement général, 3 marques sur les cinq premières (Moët & Chandon, Veuve Clicquot et Krug) et 4 sur les dix premières (en ajoutant Ruinart, 8e du classement digital général) appartiennent à l’empire de Bernard Arnaud. Peut-être que l’ADN mode du groupe français n’y est pas pour rien ; dans l’univers du luxe, les marques de mode ont bondi sur les outils numériques avec plus de vélocité et de ferveur que celles de champagne et de vin, qui n’ont pas encore ce réflexe. Moët & Chandon frôle la perfection quant à sa présence sur les différentes plateformes : première sur Facebook, seconde sur Instagram (talonnant Dom Perignon, sa marque sœur), première de loin sur YouTube avec un score maximal, première sur Twitter et très bien placée sur la plateforme Vivino. Un sans faute.
Un renforcement des réseaux sociaux tournés vers l’image
Les maisons choisissent de parier sur certains réseaux plus que sur d’autres. Cela fait parti d’une stratégie de communication numérique efficace : choisir les plateformes les plus adaptées et y entretenir une présence quasi continue plutôt que se disperser en étalant ses publications sur trop de réseaux, sans grande cohérence et sans objectif préétabli. Les marques les plus efficaces adaptent leur contenu et communiquent différemment sur chacune des plateformes où elles sont présentes, adoptant le langage et les codes qui leur sont propres. Cela représente un effort intensif, mais souvent récompensé. Les plateformes tournées vers l’image et la vidéo sont privilégiées ; elles offrent des possibilités fantastiques pour partager les actions menées à la vigne et en cave.
On observe une montée des scores spectaculaires sur Instagram. De nombreuses marques en ont fait leur priorité. Les scores des dix premières maisons de champagne varient de 68/100 à 85/100 en 2018 et de 80/100 à 96/100 en 2019, signe d’une implication accrue. On observe, entre 2018 et 2019 la sortie du Top 10 sur Instagram de Pommery (qui perd 6 places), Lanson (qui perd 20 places), De Venoge (qui dégringole de 38 places) et Pol Roger (qui en perd 10) en faveur de quatre autres grandes maisons qui progressent et y font leur entrée ; Perrier-Jouët, Louis Roederer et Bollinger (qui gagnent chacune 9 places) ainsi que Laurent Perrier (qui en gagne 7).
Le même phénomène s’observe avec moins de force sur Facebook, qui reste incontournable. Le top 10 de 2019 oscille entre des scores de 82/100 à 89/100 contre 69/100 à 83/100 l’année précédente. Trois maisons sortent du Top 10 Facebook (Philipponnat, Mumm et Charles Heidsieck) et sont remplacées par trois autres (Bollinger, Laurent Perrier et Piper Heidsieck), certaines réalisant une progression fulgurante.
Sur YouTube aussi, les marques s’investissent plus, même si cela reste timide, les scores évoluant dans les mêmes tranches, avec la Maison Moët & Chandon, première de la classe sur la plateforme, qui obtient la note maximale deux années consécutives et cumule 40 millions de vues de ses vidéos en 2019.
Le micro-blogging qu’offre Twitter, moins visuel, semble quant à lui s’essouffler. Les scores baissent, et certaines marques, qui y étaient profondément impliquées, délaissent la plateforme. On peut citer le cas de la maison Bollinger, qui en 2018 obtenait la note maximale de 100/100 sur Twitter, pour chuter de 12 places, avec un petit score de 64/100 en 2019. Krug délaisse le réseau, tout comme Armand de Brignac. Seule la Maison Veuve Clicquot y escalade de 13 places accroissant son score de 72/100 en 2018 à 91/100.
Sur Vivino, les tendances sont moins lisibles. Contrairement à 2018 où les 4 premières marques (Dom Perignon, Louis Roederer, Moët & Chandon et Veuve Clicquot) obtenaient la note maximale, aucun 100/100 en 2019, même si les dix premiers ont, globalement, une meilleure moyenne que l’année passée. Cela s’explique par le changement de pondération de l’application Vivino au sein de l’algorithme MyBalthazar. Phénomène remarquable : la progression spectaculaire de Taittinger qui gagne 26 places sur Vivino et s’y positionne 7e (contre 33e l’année dernière).
Des contenus en mal d’incarnation et de créativité
La délicatesse, concernant les publications liées au vin, tient à retranscrire en des termes créatifs un produit complexe et technique. Or, peu de contenus se démarquent par leur originalité, se contentant de scénariser leur bouteille, insistant sur les éléments naturels et les gestes pratiqués. L’humain est souvent au second plan. Pourtant, le public s’attache à une personne plus qu’à un objet. Et, si une communication efficace suppose un certain animisme du produit, une connexion se fait plus volontiers lorsque la marque est incarnée par un visage et une voix. Une très large majorité des marques de champagne vise un public féminin dans ses publications, et la femme est mise en scène par certaines d’entre elles, parfois de façon maladroite.
L’utilisation des hashtags (mots clés qui permettent, lorsqu’ils sont précédés d’un dièse, de renvoyer au contenu posté) est correcte pour les marques les mieux positionnées, mais souvent un peu téléguidée. On retrouve ainsi une multitude de références au champ lexical du temps utilisées dans les mots clés de plusieurs marques tels ; « instant », « moment » ou « heure ». Un peu répétitif.
Plus utilisées dans le passé, les collaborations avec des « influenceurs » semblent s’essouffler, n’étant pas toujours compatibles avec l’univers du luxe et pouvant même ombrager la perception de la marque en la faisant paraître un peu bas de gamme. L’influence, quand elle est dénuée d’expertise, n’a plus la cote.
Les maisons les plus efficaces fonctionnent comme des micros-médias, avec une ligne éditoriale et une identité visuelle marquées, et cumulent certaines qualités. La régularité, d’abord, qui est indispensable et sous-estimée par une majorité d’acteurs, même par ceux qui disposent d’équipes dédiées. La beauté des visuels n’est pas négociable ; halte, donc, aux photos floues et mal cadrées, les marques du Top 10 utilisent d’ailleurs quasi exclusivement des photos professionnelles. Une alternance d’outils multimédia — photo, vidéos, montages — empreints d’originalité est aussi de bon augure.
Risques et dépendances
La dépendance aux algorithmes et à leurs ajustements croit avec le succès de la marque sur le réseau social. Il ne faut pas omettre que ces plateformes ont elles-mêmes un modèle économique, qui change et évolue, rarement en faveur des marques, qu’elles incitent à escalader leurs investissements en publicité en changeant progressivement les règles du jeu. Ainsi, le changement d’algorithme d’Instagram au printemps dernier en a ralenti plus d’un. Pour retrouver son rythme de croissance ? Facile : acheter de la publicité.
Rappel de la méthodologie du classement
Le classement est établi grâce à la solution de calcul de score d’impact digital développé par MyBalthazar qui de janvier à décembre 2019 a traité plus de 20 millions de données sur les réseaux sociaux Facebook, Twitter, Instagram et YouTube ainsi que sur l’application de notation de vin Vivino. Pour les réseaux sociaux, l’algorithme prend en compte la taille de la communauté des marques, l’engagement de celle-ci (par des commentaires, des « likes » et des partages). Pour Vivino, sont retenus le nombre et la valeur des notes attribuées sur l’application. Les 90 maisons de Champagne majeures ont été soumises à cette étude. Le classement général a été établi en faisant la moyenne des scores sur 100 obtenus par les marques sur chaque source, corrigée de coefficients qui permettent d’en refléter l’audience réelle. Les classements par plateforme ont aussi été réalisés afin de déterminer quelles maisons de Champagne sont les plus performantes sur chacune.
Gabrielle Vizzavona
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